mercredi 13 novembre 2013

D'envie et d'empathie...


Ces deux dernières années à vivre avec la douleur chronique j'ai pu constater combien le sujet dérange autrui. Personne n'aime parler de la douleur de l'autre. C'est un sujet triste. Cela ne divertit pas. Au contraire cela plombe l'atmosphère. Pour en converser il faut faire appel à son cœur, s'ouvrir en profondeur, se replonger dans ses propres expériences douloureuses, bref, c'est un bummer!

En son antipode, il y a le voyage, les gens aiment parler des voyages. Cela leur change les idées, cela fait rêver, on peut penser à ses propres voyages, se rappeler de bons souvenirs. On raconte et partage les anecdotes et les impressions d'ailleurs, cela envoûte l'atmosphère...

En cette dernière année à apprivoiser la douleur chronique, j'ai eu le bonheur de pouvoir faire quelques voyages de presse stimulants. De ces voyages qui m'ont élevé l'humeur afin de garder à flot mon moral. 

Dans les bocaux des voyages de presse, je suis comme un poisson dans l'eau. Tester de beaux hôtels, vivre toutes sortes d'expériences pour mieux s'imprégner de l'endroit que l'on explore. Croquer dans l'aventure comme dans un succulent gâteau. Je me régale.

De l'autre côté de la médaille, il y a aussi le travail à accomplir, il y a la pression à maitriser et la fatigue à gérer. Mais la cerise sur le gâteau, c'est de pouvoir ensuite écrire sur le sujet. Définitivement mes meilleures piges!

 Et même si la douleur m'accompagne en voyage, je la trouve moins lourde. Plus douce. Il est dit que plus on est heureux et mieux on supporte la douleur. C'est tout à fait vrai. En mode bonheur, il est plus facile de recaler la douleur en arrière-plan pour mieux faire "comme si".

Inversement, être malheureux accentue la douleur. "Faire comme si" peut devenir si pesant quand on est malheureux qu'il semble impossible de fonctionner normalement. Voyager me rend heureuse. Aussi voyager m'est devenu vital. Car si être heureuse m'aide à me dissocier de la douleur de fond, être stimulée est tout aussi efficace. C'est un combo gagnant!

Évidement il ne faudrait pas que je perde mes médicaments en cours de route! I would be f...ed. Aussi ma trousse de pharmacie est toujours dans mon sac à ma main, jamais dans mes valises. Et je dois souvent cacher la douleur derrière un sourire. Mais il est si facile de sourire en voyage!

Et puis je dois faire attention à ne pas brûler la chandelle par les deux bouts pour ne pas atteindre de paroxysme et me retrouver en 24hres de repos forcé. Une expérience que j'ai vécue à New-York après trois semaines de voyage exaltant et dont je vais me souvenir longtemps...


Bref dans la dernière année, j'ai eu le plaisir de voyager et d'en partager les expériences sur les réseaux sociaux. Ainsi j'ai collectionné les "je t'envie" et "je suis jalouse". De ces petits mots lancés à la légère (presque des expressions) qui sont des émotions typiquement humaines. De celles que je peux moi-même ressentir quand mon cerveau se joue de ma vie...

Dieu sait que l'humain a une déconcertante facilité à ressentir l'envie de brouter l'herbe du voisin!

Personnellement lorsque j'en ressens la sensation, je la refuse avec conviction. Je ne désire ni envie ni jalousie en mes sens. Je me force à bannir les expressions de mon vocabulaire courant. Sachant que ces pulsions ne sont que des bouffées toxiques qui ne pourraient que m'encrasser les neurones, je les chasse.

Si je suis faible et que l'émotion est forte alors je lui parle, je la raisonne. Être heureuse pour autrui est meilleur à ma santé, nul besoin d'envier ou de jalouser. Mieux vaut être inspirée et s'en servir pour nourrir ses propres élans. Inspirer et s'élever...

Inversement, l'empathie et la compassion ne semblent pas si inhérentes à nos conditions humaines. Ainsi cette dernière année à apprivoiser la douleur chronique, j'ai pu réaliser combien l'empathie et la compassion ne sont pas aussi aussi rapides à se manifester que l'envie ou la jalousie. Certains jours j'en conçois une certaine tristesse.

Car si l'envie des autres peut nourrir l'égo, à grosses doses, elle n'est que nocive. La jalousie, l'envie, tout comme la colère et la haine sont des émotions empoisonnées. Même si elles peuvent se justifier à volonté jamais elles ne seront saines à la santé.

D'un autre côté, on sous-estime trop souvent le pouvoir qu'un geste de compassion peut avoir sur autrui. D'ailleurs j'ai lu quelque part que travailler sa propre compassion aide aussi à apprivoiser la douleur. Ce n'est pas faux. Puiser dans l'expérience de ses propres douleurs permet d'atteindre facilement la compassion. À noter qu'offrir de la compassion peut faire autant de bien au coeur que d'en recevoir!

Aussi on sous-estime combien l'empathie peut faire du bien. Elle éloigne l'isolement. Elle réchauffe l'âme. L'empathie est une notion à ne pas confondre avec la pitié. La pitié peut donner la nausée mais l'empathie donne toujours de la force.

L'empathie et la compassion sont des qualités humaines qui se travaillent afin de mieux vivre alors que la jalousie et l'envie sont des défauts contre laquelle l'humanité doit se battre pour ne pas s'auto-détruire.

Et si les réseaux sociaux peuvent cultiver des graines de jalousie et d'envie dans l'inconscient collectif, il faut garder conscience que ce ne sont souvent que des miroirs qui reflètent le meilleur de nos vies. Comme les albums photos d'antan, ceux que l'on feuilletait, enfant, pour le plaisir de voir le passé immortalisé.

De nos jours, non seulement le passé s'immortalise au présent mais en plus il se partage! Et il est aujourd'hui très facile de contempler le vert de l'herbe du voisin (sous de multiples coutures). Mais il ne faut jamais oublier que si cette herbe nous semble si pétillante c'est parce-qu'on la regarde de loin...

Si l'on devait enfiler les bobettes (et accessoirement les chaussures) de celui qui l'entretient on ne regretterait pas tant que cela ses propres bottes et son petit carré d'herbe, qui de loin, scintillerait de plus belle...


"L'empathie (du grec ancien ἐν, dans, à l'intérieur et πάθoς, souffrance, ce qui est éprouvé) est une notion désignant la « compréhension » des sentiments et des émotions d'un autre individu. En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l'expression « se mettre à la place de » l'autre. Cette compréhension se produit par un décentrement de la personne (ou de l'animal) et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l'empathie, indépendamment, et parfois même au détriment, des intérêts du sujet ressentant l'empathie. Dans l'étude des relations interindividuelles, l'empathie est donc différente des notions de sympathie, de compassion, d'altruisme ou de contagion émotionnelle qui peuvent en découler. *source"

mardi 5 novembre 2013

Être une maman différente...

Plusieurs de mes copinautes sont aux prises avec des enfants différents. J'en lis leurs tourments et je compatis souvent avec leurs combats même si je n'ai pas en vivre les affres.

Depuis que je suis entrée dans le clan de la douleur chronique, je me sens une maman différente. C'est une douleur psychique qui s'ajoute à celle que je vis physiquement.

Être maman quand on a mal au jour le jour n'est pas évident. Il faut énormément prendre sur soi. Je n'aime pas l'idée d'être une maman différente.

Je me sens coupable de ne pas être en forme comme je le voudrais. De devoir me reposer plus que la norme. De manquer d'énergie ou de patience.

Je ne cache pas mes défis à ma puce de bientôt huit ans. Ma puce est aux premières loges de ma vie. Comment pourrais-je lui cacher sans lui mentir? Et comme le mensonge ne fait pas partie de mes valeurs, je me retrouve à devoir lui expliquer ce qui m'arrive.

Ma paralysie faciale m'est tombée dessus lorsqu'elle avait cinq ans. Elle se rappelle de mon visage défiguré mais n'en conserve aucun traumatisme. J'imagine que pour elle ma douleur faciale est une réalité comme une autre. Cela fait partie de ses normes.

Je fais mon possible pour que cela n'affecte sa vie le moins possible. Mon fardeau n'est pas le sien. Elle n'a pas à le porter. Elle a sa vie à construire et je ne veux pas lui léguer mon épreuve en héritage. Pourtant, il y a de ces jours où elle devient ma seule raison de vivre. Mais je ne veux pas qu'elle en ait conscience. Je ne veux pas lui briser son innocence enfantine.

Le mois dernier, j'ai rencontré chez des amis une petite fille de dix ans qui venait de perdre sa maman d'un cancer. Cela m'a profondément touchée. La dame se battait contre la maladie depuis que la petite avait cinq ans. Une véritable tragédie pour cette enfant devenue orpheline de maman. Je me suis dis: "Ma vieille, arrête de pleurnicher sur ton sort, tu es peut-être une maman différente mais au moins tu es vivante!"

J'essaie donc de trouver les points positifs d'être une maman différente. Je me dis que cela lui apprend la compassion et que cela approfondit son humanité. Tant que cela n'affecte pas sa qualité de vie, je gagne un match dans ce tournoi existentiel que je vis avec la douleur chronique.

Ce matin, je parcoure le journal publié par l'association de la douleur chronique et j'en discute avec mon homme pendant que la puce s'habille pour sa journée d'école.

Au cours de la conversation je lui dis:

- Quand même, c'est dur de me dire que je ne serai plus jamais normale!

Et j'entends alors une petite voix outrée s'exclamer depuis la salle de bain:

- Mais maman, tu es toujours humaine, tu n'es pas une extra-terrestre!

Je souris. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants?

lundi 4 novembre 2013

Jour après jour...

La douleur chronique est un mal qui dure quotidiennement depuis plus de trois mois. Elle se manifeste généralement après un dommage physique vécu par l'organisme.

Cette douleur, au lieu de disparaitre, s'installe dans le quotidien et vient réduire la qualité de vie de celui qui la ressent. La douleur est universelle mais si différente selon les cas et les contextes. Elle est difficile à comprendre pour ceux qui ne l'ont jamais vécue.

Cela m'a pris plus de deux ans pour accepter que ma douleur faciale ne disparaitrait pas d'un coup de baguette magique. Je ne suis pas certaine d'en comprendre encore toutes les ramifications existentielles mais je sais que la première étape est d'accepter cette nouvelle réalité. Et si je travaille à accepter ce fait, je ne suis pas certaine que je l'accepte encore.

Il est difficile d'accepter qu'une douleur ne disparaîtra pas. Normalement la douleur cela va, cela vient mais cela finit par lâcher. Ce n'est pas le cas de la douleur chronique. La douleur chronique persiste, jour après jour, elle signe.

Certains jours, je me dis que ce n'est pas la peine d'en faire un plat. J'ai mal, je n'en mourrai pas, je n'ai qu'à vivre avec. D'autres jours j'ai le moral à zéro et je ne suis plus capable d'en supporter la présence en ma peau. Il y a de ces jours où je me sens forte et d'autres où je me sens faible. 

Il y a ces jours où je me sens forte de vivre avec cette douleur quotidienne et d'autres où je me sens faible de ne pas arriver à mieux la supporter. Je me sens forte quand j'arrive à m'en dissocier quelques minutes à la fois. Quand j'arrive à passer par dessus pour fonctionner comme si de rien n'était. Mais je me sens faible quand elle m'emporte les idées pour les noircir à foison.

La douleur chronique irrite. Elle irrite celui qui la vit et l'entourage qui ne la comprend pas. Quand on souffre de douleurs chroniques on se retrouve en une montagne russe d'émotions qui est loin d'être amusante. La douleur chronique gruge les patiences et nourrit le mal-être.

Je n'aime pas m'en plaindre. Mais à ne pas l'exprimer, je m'isole. Il y a des ces jours où je l'accepte et d'autres où je la déteste de toutes mes forces. Je sais que pour la combattre je dois garder le moral. Mais je sais aussi que la douleur aspire le moral. Elle diminue les joies et elle accentue les colères. Elle se joue de nos émotions. Elle les transforme. Elle les noie.

La douleur chronique est un défi quotidien. En mon cheminement personnel, je m'éduque. Je lis, je réfléchis, je médite. J'apprends à devenir l'experte de cette douleur que je suis seule à vivre.

Une fois par mois j'assiste à un groupe d'entraide. Ainsi je réfute le sentiment de solitude qui fait que l'on ne peut en parler sans gêner. J'y découvre d'autres qui bataillent comme moi. Je résiste. J'ajuste ma vie. J'essaie d'éloigner tout ce qui pourrait entrainer des émotions négatives et je m'applique à cultiver les pensées positives. Jour après jour, je combats...

Trio vidéos

Quelques vidéos à visionner pour mieux comprendre les différents défis de la douleur chronique....