jeudi 15 mai 2014

Trouver les moyens de bien vivre... même quand ça fait mal...



Si ma douleur était visible, je ne pourrais pas vivre comme je le fais. Si ma douleur était visible je devrais arborer un look à la Frankenstein peu sympathique. Je suis défigurée de l'intérieur. Étrange paradoxe ou simple oxymoron?

Si ma douleur était visible, à son paroxysme, je ferais peur aux gens, j'aurais un clou (ou un hameçon c'est selon) planté en plein milieu de la joue, j'aurais une plaque de titane qui ferait office de joue, mes gencives seraient à découvert, mon oreille serait synthétique et j'aurais une aiguille à tricot plantée profondément dans l'œil, sans oublier le tapis de fakir pour me servir de tempe!

Un look plus zombie que steampunk. De quoi effrayer bien des petits... Et des grands...

Vu sous cet angle, je suis extrêmement  reconnaissante que ma douleur ne soit pas visible. En son invisibilité je suis protégée du regard des autres. Je peux passer inaperçue et essayer de vivre ma vie normalement. Je peux apprendre à vivre avec le mal...

La douleur chronique en mon trijumeau affecte la moitié de mon visage (séquelle rare de la paralysie de Bell qui ne coure pas les rues), elle se joint à ma vie. Il n'est pas pas facile de s'endommager le trijumeau. À la loterie des séquelles pas rapport, j'ai gagné un bon pactole!

Lorsque la douleur est contrôlée, elle reste constante mais viable. Inconfortable, elle déclenche d'invisibles sensations: tiraillements, lancements, crispations, engourdissements, pulsations faciales incongrues, migraines. Elle me fatigue, m'irrite, teste ma patience, nuit à la qualité de mon quotidien mais elle n'est ni mortelle ni contagieuse.

Pour la contrôler, il est essentiel d'atteindre un bon équilibre intérieur et de trouver le bon cocktail médicamenteux. On y ajoute une dose de physiothérapie, un zeste de psychologie, on saupoudre de quelques médecines douces et on peut même arriver à la maîtriser.

Cet hiver, j'ai travaillé à m'équilibrer l'intérieur et à trouver le bon cocktail chimique. J'ai pratiqué l'approche multidisciplinaire. Ensuite vient la discipline personnelle. Il y a une forte gymnastique mentale à pratiquer pour pouvoir s'en sortir.

Alors que la douleur, accentuée par les vortex polaires et virus de passage, malmenait mon moral, j'ai essayé de trouver des solutions pour me sortir de cette impasse. J'ai commencé par soigner mon FOMO. J'ai lâché prise. Ensuite j'ai puisé force et courage en ma condition maternelle pour me raccrocher à la vie. Puis est venu le temps de travailler l'attitude.

La douleur chronique isole. Même si elle n'est pas mortelle, elle a le pouvoir de tuer à petit feu. C'est bizarre la douleur sur le moral, cela l'use et cela l'attriste. Pour ne pas qu'elle m'emprisonne, j'ai pris la décision de participer aux groupes d'entraide du CHUL et j'ai assisté à différentes conférences. Pour en mieux comprendre la gestion. Pour prendre le contrôle. Mois après mois, j'ai cheminé...

En allant aux groupes d'entraide, certaines fois à reculons, j'ai rencontré toute une panoplie de personnes différentes. En gros, j'y ai retrouvé des accidentés, des fibromyalgiques, des arthritiques et quelques exceptions dont un autre cas de trijumeau.

Une jeune femme, aveugle de naissance, qui a été blessée lors d'une opération dentaire et vit le même type de calvaire que le mien. Il paraît que les opérations dentaires ratées endommagent souvent le trijumeau.  Sa mésaventure fait partie de ces scénarios d'horreur qui peuvent se passer dans un cabinet de dentiste. Effrayant! Toujours accompagnée de son papa, leur harmonie me fascine. Elle est la seule à exactement savoir ce que je peux ressentir (et vice et versa). À sa façon elle m'inspire...

Avec les groupes d'entraide mensuels, je réalise que je ne suis pas seule à devoir vivre avec cette difficulté invisible. Je découvre pire et moins pire. Mais quel que soit le cas, je vois bien que c'est pour tous la même galère.

Je relativise et je mets en contexte. Je confronte ce mal qui m'habite, je laisse couler quelques larmes, j'écoute, je partage, je déprime, j'avance. À chaque fois que j'y vais, je me rends compte que je ne suis pas seule à ramer. Cela me fait du bien.

En écoutant le vécu des autres, je remets le mien en perspective. Je comprends mieux ce que je vis. Je travaille à l'accepter.

Avec les conférences organisées par l'association québécoise de la douleur chronique, j'ai eu l'occasion de beaucoup réfléchir sur mon cas. J'ai creusé le problème. Je me suis posée les bonnes questions. Se poser les bonnes questions aide à trouver les bonnes réponses...

J'ai particulièrement apprécié la conférence donnée par Frédérick Dionne, auteur du livre Libérez-vous de la douleur, là, j'ai eu quelques "aha moments" à rendre fière Oprah!

Avec cette expérience que me fait vivre mon trijumeau, je prends pleine conscience de combien il est possible de contrôler le cours de ses pensées. Mais surtout  de combien il est nécessaire de le faire pour survivre à cette torture mentale que génère la douleur en continu.

En plus du savoir médical qui produit toutes ces pilules qui agrémentent la vie moderne, il y a le savoir psychologique qui produit toutes sortes d'outils pour mieux vivre. La clé est de conjuguer ces connaissances pour un traitement efficace de la douleur chronique.

Lorsque l'on explore l'univers de la douleur chronique, on réalise vite qu'il est peu question de guérison mais beaucoup question de gestion...

Il paraît que le positif de cette aventure physique est la connaissance de soi et la compréhension de la vie. Celui qui ne sombre pas en ressort plus fort, amélioré par l'épreuve. Je conçois une certaine frustration vis à vis de ce principe mais j'en accepte la sagesse. Bref, je m'assagis et j'apprends à vivre avec...

3 commentaires:

  1. Bonsoir, je suis vos articles depuis longtemps car mon parcours est similaire au votre. J'ai lu il y a peu de temps un livre très poignant: connaissez vous Une vie rare de Sophie Benarrosh?
    Je l'ai acheté en format numérique, et l'ai dévoré...un combat contre la maladie, la fatigue, les douleurs, qui se transforme au fil des pages en combat AVEC la maladie, ce qui est très différent. Je vous fais partager à mon tour mon blog, un espace d'écriture et de recherches personnelles sur la douleur chronique. Je l'ai créé il y a peu de temps, je l'ai mûri longtemps dans ma tête! Il s'agit de: : http://princespetitpois.canalblog.com
    Son titre est: "Chroniques d'une princesse au petit pois"...Et oui...je suis sûre que ça vous parlera!
    Bien à vous, marionp34

    RépondreSupprimer
  2. Merci Marion, je vais aller le consulter avec plaisir! J'ai aussi mis du temps avant d'ouvrir cet espace. Et je ne mets pas de pression pour y écrire. J'ai déjà assez de pression avec la douleur chronique comne ça! ;) Mais il me fait toujours plaisir de rencontrer virtuellement d'autres personnes avec ce même défi de vie. Au plaisir d'échanger...

    RépondreSupprimer
  3. Je ne sais pas où je suis, je ne sais si je peux parler sans être inscrite sur ce blog. Je ne comprends pas vraiment comment ça fonctionne.Je ne sais si parler de sa douleur peut aider. Je déteste quand mon mari parle de mes douleurs à ses, euh, nos amis.J'ai l'impression de n'exister que par "ça". Cela commence à faire quelques années que j'ai commencé à avoir des douleurs et ça n'a fait que s'amplifier. J'ai mis longtemps à l'accepter mais ça vient petit à petit. Depuis environ 3 mois, J'ai eu une place dans un "pôle douleur" d'une clinique.Au premier entretien, Je croyais enfin être dans le bon service. Je pensais pouvoir parler de mon ressenti, je croyais que je serais partie prenante dans cette nouvelle aventure mais pas du tout. Si il y a une personne à qui on ne demande jamais son avis, c'est le patient. Déception, déception sur toute la ligne. En fait, quand je progresse et que j'arrive à vivre(presque) normalement, je le dois à ma ténacité, à mon envie de continuer, à mon envie de partager avec mes enfants, mes petits enfants, l'homme de ma vie qui a promis de ne plus parler de mes douleurs, mon envie de les écouter, de les aider, de les faire rire parfois, eux me donnent envie de continuer même quand je n'en peux plus de douleurs, de fatigue. Mais j'ai de moins en moins envie d'être entre les mains des chirurgiens, kiné, médecins, dont pôle douleur,psy.avec qui je vais de plus en plus mal. Il est 2 h 1/2 et je ne peux dormir, je dirais, comme souvent. Mais demain, je redeviendrai souriante, mais pas maintenant. Je vais chercher ce livre , Une vie rare de Sophie Benrrosh. Merci à cette personne. Mireille28

    RépondreSupprimer