jeudi 30 octobre 2014

Femme en colère...

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis mon dernier billet ici.

En entrant à la clinique de la douleur cet été, j'ai eu accès à différentes ressources pour continuer ce long chemin qui, je l'espère, mènera un jour à la guérison de mon nerf facial blessé.

Trois mois de physiothérapie intensive entremêlés d'une sérieuse pratique de méditation pour continuer de soigner une blessure qui n'en finit pas de bousculer mes jours. Il y a de l'espoir, m'explique le corps médical, mais cela sera long. Je suis sur la bonne voie me répètent les experts, juste à ne pas lâcher. Facile à dire...

Bref, après 8 semaines intenses à confronter mon problème de santé en milieu médical, je retrouve le monde "normal" de ceux qui n'ont pas conscience des invisibles douleurs que peut offrir le corps.

Ainsi, je découvre le dossier que La Presse mijote "Morphine à volonté" et me voilà révoltée! Jour après jour, la lecture de ces articles me remplit d'effroi. Bon Halloween la mère! Et les mots s'écoulent....

29 octobre 2009/ Lettre ouverte à La Presse

Je suis outrée par la direction prise par votre dernier dossier en ce qui concerne les opiacés. Après avoir vécu une paralysie faciale avec complications douloureuses, je vis sous morphine depuis plus de trois ans. Par obligation. Sans joie. Ni abus.

Depuis plus de trois ans je vis avec un nerf facial endommagé qui fait de ma vie un enfer. Je fais partie du clan silencieux de la douleur chronique et je réalise, année après année, combien le grand public ne comprend rien à la douleur chronique. Combien il y a un manque d'éducation et d'informations pertinentes.

Malheureusement ce type de dossier ne fait qu'empirer les préjugés et ajouter à l'incompréhension de l'utilisation légitime d'opiacés en un contexte médical. De l'utilisation de la morphine pour fonctionner normalement. Sans buzz ni dépendance si ce n'est celle de la douleur en continu.

Au lieu d'aller voir un docteur pour simuler un mal et contribuer à la connerie humaine, pourquoi ne pas aller voir ceux qui ont mal pour vrai, ceux qui ne simulent pas et qui restent en vie grâce à la morphine? Parce-que c'est moins glamour, pas assez sensationnel?

À mon sens, c'est prendre le problème à l'envers.

Ceux qui savent utiliser la morphine à bon escient, consciemment, ne font pas la une. Pas assez intéressant? Ils sont pourtant nombreux ceux qui vivent avec une douleur physique qui ne lâche pas. Très nombreux.  Les chiffres parlent de deux millions de québécois affectés par la douleur chronique et la majorité sous opiacés.  Cette masse silencieuse doit affronter les préjugés nourris par les simulateurs et les junkies.

Pourquoi ne pas mettre en lumière ceux qui vivent grâce à la morphine? Ceux, qui comme moi, peuvent continuer d'avancer malgré la douleur? Pourquoi ne pas mettre l'emphase sur comment il est long d'accéder aux services médicaux lorsque l'on vit de la douleur chronique? Combien les fonds manquent dans les hôpitaux?

Peux-t-on trouver la vérité en enquêtant via le mensonge? Je suis outrée par cette façon de faire. Car si ce même journaliste avait une véritable douleur physique à gérer, il serait bien content que le médecin lui prescrive de la morphine pour le soulager!

Faire un tel dossier c'est jouer de sensationnalisme. C'est facile et lâche. C'est mettre l'accent sur un seul aspect d'un vaste problème. Tout le monde ne simule pas et n'abuse pas de la substance!

Que ferait ce même journaliste, qui n'explore qu'un côté du problème, s'il devait vivre avec un mal réel, avec l'une de ces douleurs neuropathiques qui font le quotidien de plusieurs? S'il allait chez le médecin pour se faire refuser de la morphine? Pourrait-il ensuite écrire comment il se sent et avoir une tribune?

Seul avec une intolérable douleur que la médecine ne voudrait pas soulager même s'il existe un moyen de le faire. N'hurlerait-il pas alors au meurtre?

Un junkie est un junkie! Ce n'est pas la faute à la drogue mais à celui qui décide de l'utiliser pour ruiner sa vie. Pour fuir ses problèmes. Et celui là trouvera toujours les moyens de se doper selon ses désirs...

Si un jour on pouvait légaliser toutes les drogues pour mieux éduquer, informer, encadrer, prendre soin de ceux qui veulent ruiner leur vie car ils n'arrivent pas à gérer leurs émotions destructives, il me semble que l'on aurait une chance de faire avancer le problème de fond.

Si un jour on pouvait faire un véritable dossier avec des gens vrais et honnêtes pour mettre en lumière combien vivre avec la morphine, pour traiter la douleur chronique, est une réalité. Ceux qui utilisent la morphine non pas pour fuir un problème mais pour mieux l'affronter. Peut-être serions nous moins jugés et incompris?

Lorsque je me suis retrouvée seule avec la douleur d'un puissant nerf endommagé, j'ai été stupéfaite devant le peu de ressources disponibles. Devant l'incompréhension et les préjugés d'autrui qui ajoutent à la honte de devoir vivre diminué par une douleur incessante. Longtemps je me suis cachée dans ce silence qui étouffe tous ceux qui vivent avec une douleur chronique.

Avez-vous conscience du nombre de personnes qui restent en vie grâce à la morphine? Qui ne se suicident pas grâce à la morphine? Moi la première. Car une douleur intense en continu est mortelle. Elle tue non pas le corps mais l'âme. Et la morphine sauve bien des vies.

Je défie quiconque de vivre avec une douleur intense, intolérable,  pendant des mois et de ne pas souhaiter que la mort le délivre! La morphine est alors un véritable radeau sur lequel se hisser pour ne pas se noyer en un noir océan.

Avez-vous conscience du mal que fait un tel dossier pour tous ceux qui sont sur ces radeaux de fortune, à ramer contre vents et marées, à essayer de ne pas couler?

Alors que je m'apprête à peser sur le bouton "publication", je découvre l'article du jour  "La morphine m'a sauvée".

J'en souligne ceci: "Des patients comme Mme Lapierre, c'est le quotidien de la Dre Aline Boulanger. Elle déplore que certains patients errent pendant des années dans les portes tournantes des cliniques avant de trouver un médecin qui les croie, et accepte de les soulager. Au bas mot, le tiers de ses patients a été sous-traité par les médecins, estime-t-elle. «Il y a beaucoup plus de patients sous-traités que surtraités. Le risque d'abus est très médiatisé, alors que l'autre volet, à l'inverse, on en parle peu», dit-elle."

Sachant combien l'association de la douleur chronique est aussi outrée de ce dossier et a mis en place une campagne interne incitant ses membres à se manifester, je me doute que cet article est celui qui est supposé calmer le jeu. C'est raté en ce qui me concerne.

Je me sous-médicamente moi-même, par choix personnel. Je fais partie de ceux qui sont réfractaires à la médication. Car l'une des premières choses que l'on doit apprendre dans la douleur chronique c'est cette subtile frontière entre le mal causé par la douleur et les effets secondaires des médicaments qui essaient de la soulager. Il n'y a pas de pilule miracle! Et je ne prends aucun plaisir à prendre les pilules qui me permettent de fonctionner. Je choisis de supporter un certain degré de douleur quotidien afin de prendre le moins de pilules possibles.

Sans oublier de faire remarquer que si je n'ouvre pas ma grande gueule et que je souris, je passe inaperçue. Personne ne peut imaginer ce que je vis si je n'en parle pas. Ne pas en parler est la norme (vu comment règne la compréhension générale).

Encore une fois je suis déçue, un mince exemple si on le compare aux autres articles. Comment ce seul article peut-il faire le poids contre les autres aux titres si provocateurs? Médecins et pharmaciens: les nouveaux pushers? Certains médecins sont devenus «de véritables pushers», Toxicos malgré eux, De patients à trafiquants de médicaments 

vendredi 24 octobre 2014

À chacun sa misère...

Depuis février 2011 je vis sous opioïdes. C'est ainsi. Je ne suis pas une junkie. J'ai juste un méchant virus qui m'a attaquée et blessée.

En février 2012, j'ai réalisé combien vivre sous morphine était aussi fatiguant que déprimant. Cela aide à supporter la douleur sans l'effacer pour autant. Cela endort le corps et déprime l'esprit. Un jour il faudra qu'un vrai junkie m'explique c'est quoi le trip car franchement je le comprends pas. Et cela m'intrigue. Y'a de quoi que je capte pas.

Bref, en parlant de la chose avec mon docteur, il m'a prescrit un stimulant, relativement jeune, pour contrecarrer les effets de la morphine. Un médicament initialement conçu pour les narcoleptiques. Sans gros effets secondaires et sans dépendance. Avec la particularité d'être anti-dépresseur par défaut. Un médicament qui fait fureur sur le marché noir des grandes écoles et qui a inspiré un film hollywoodien.

Depuis février 2012, ce cocktail morphine/stimulant me permet de survivre aux péripéties des dommages de mon nerf facial. C'est ni miraculeux ni trippant juste fonctionnel. Mais souvent je pense aux narcoleptiques que je ne connais point. Avec cette vidéo, découverte par ici, je comprends mieux et je ressens beaucoup d'empathie. Une autre condition rare avec laquelle il ne doit pas être facile de vivre...