lundi 4 mai 2015

De ces différences entre une dépression contextuelle de douleur et une dépression classique...


Ce statut sur la dépression qui coure sur mon fil d'actualité n'en finit pas de me repasser devant le nez en même temps qu'il devient viral. Même l'homme me l'envoie en me disant que cela lui a fait penser à la douleur chronique. Je sais, moi aussi j'ai vu la similitude...

Mais s'il y a similitude il y a aussi différence. Si la dépression accompagne généralement la douleur chronique, si ses symptômes se ressemblent et s'assemblent pour noircir le mental, il y a une subtile différence...

Une différence que j'essaie de situer depuis des mois et finalement en relisant les mots, je clique sur cette dernière phrase: ."(...) Mais je le confirme à tous: le suicide est une solution permanente à un problème temporaire. Parce que la vie continue.. (...)" et une petite lumière éclaire ma cervelle troublée.

L'une des différences entre une dépression contextuelle générée par la douleur physique et une dépression émotionnelle "classique" se situe par là. Les pensées suicidaires qui t'envahissent l'esprit veulent juste arrêter la douleur physique. Tu veux vivre mais tu veux aussi que cela arrête de faire physiquement mal.

En douleur chronique, le suicide est une option, il devient une solution permanente à un problème permanent. Parce-que la vie continue avec la douleur physique qui te ronge les jours. Quoi que tu fasses.

Alors qu'en dépression "classique" tu peux espérer traverser la douleur psychique et continuer ta vie en la reprenant là où la dépression l'a bloquée. En dépression de douleur chronique, tu dois t'adapter à la douleur et apprendre à vivre avec. C'est pour cela qu'un patient en douleur chronique peut aller voir son médecin et son psy, lui expliquer que la mort rôde en ses pensées et s'entendre dire que c'est tout à fait normal.

D'ailleurs à une conférence autour de la douleur chronique, le psychologue conférencier a expliqué qu'en effet, la mort était le meilleur anti-douleur. En douleur chronique, la mort fait partie des solutions possibles pour guérir. C'est toute une ironie. On pense euthanasie plutôt que suicide. Et la dépression est normale.

Jamais je n'entends parler de ce visage là de la dépression dans les médias. Tout comme je n'entends guère parler de douleur chronique. Et pourtant dans toutes les cliniques de douleur au Québec, ce visage de la dépression fait légion.

À la dernière conférence où je suis allée à l'hôpital, une vieille dame a levé la main durant la période de question. Puis elle n'a plus osé parler et le conférencier l'a encouragée. D'une petite voix frêle, elle a demandé: " Est-ce que c'est normal de vouloir mourir quand on a trop mal?"

Avant même que le conférencier ne puisse répondre, la salle, comme en un étrange souffle, a dit oui. C'est normal. Souvent je me dis qu'on ne laisse pas souffrir les animaux mais les humains par exemple, c'est une autre histoire.

C'est des centaines de milliers d'histoires sans voix ni visage. Des milliers d'histoires dont plusieurs centaines ne comprennent pas la dépression qui leur écrase le moral en même temps que la douleur torture leurs corps.

Des milliers de visages qui se cachent, des milliers de voix qui se taisent. Tant de silence et d'ignorance entourent ce type de dépression. La douleur physique en continu ne tue pas le corps. Elle avale l'esprit.

En dépression de douleur chronique, le psy ne te dit pas ça ira mieux un jour. Il te dit d'accepter ta réalité physique pour mieux l'affronter et il explique que tu dois trouver en toi ce qui te donne le goût de vivre. Il te rappelle l'importance de cultiver tes ressources intérieures pour apprendre à vivre avec la douleur constante qui te ronge la vie. Car quoi que tu fasses, surtout en ce qui concerne les lésions neuropathiques, elle sera là. À accompagner ton quotidien. Il te dit que l'acceptation et l'adaptation sont des outils importants dans la gestion de cette condition.

Sachant cela, j'ai décidé, en cette quatrième année en douleur chronique, de rester en vie pour ma fille. Parce-qu'il m'est impensable de lui léguer la douleur en héritage. Parce-que si je choisis l'anti-douleur radical qu'est celui de quitter mon corps, la souffrance émotionnelle que j'infligerais à mon enfant serait sûrement à l'égal de ma douleur physique actuelle. Et je refuse de lui léguer la douleur psychique parce-que je n'aurai pas réussi à surmonter ma propre douleur physique.

C'est la mère en mon sang qui me tient en vie depuis des mois. Quand le énième paroxysme de douleur rend séduisante la mort à travers cette dépression qui caractérise la douleur chronique, je pense à elle, à cette enfance qui se déroule à mes côtés. Une enfance que je refuse de gâcher. Une enfance que je m'applique à élever.

Ainsi je puise la force d'avancer. Même si mon visage est découpé de l'intérieur par d'horribles douleurs que personne ne perçoit...

6 commentaires:

  1. Pfou !!!! Enfin un texte clair et précis sur cette souffrance qui ronge de l'intérieur, invisible mais présente;

    Un texte qui prend aux tripes. Vous avez trouvé le ton juste.

    Que de douleurs vous devez supporter ? je fréquente pourtant des personnes atteintes par la fibromyalgie, qui en connaissent un rayon sur la douleur et qui quelquefois décident de quitter la vie.

    Vous m'avez ému, j'en suis complètement retourné. Merci. Et courage, bien sur, même si ce mot ne veut rien dire. Bruno

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    1. Je suis complètement d'accord avec Bruno. Je n'aurais pas dit mieux.

      Moi, ce qui me relie à la la vie, ce sont mes parents, car ils ont déjà perdus 1 enfant, et je ne veux pas leurs infliger la douleur d'en perdre un autre...et pourtant j'ai déjà fait 1 TS.

      Oui, il nous faut du courage, surtout quand petit à petit, les amis, la famille, vous tournent le dos...

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  2. Enfin les mots exacts sont écrient ! Enfin les gens pourront mieux me comprendre ! Merci infiniment ! Car voyez vous ... Je me fais dire depuis toutes ces années * la Dépression fait mal * mais moi ce sont les douleurs qui m ont rendu dépressive en 2013

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  3. Superbe ! Je n'aurai eu de meilleurs mots pour nous les survivants de cette maladie dévastatrice. Perso je voulais assister a laconférence du 12 à paris mais hélas, j 'ai été prise en urgence en cure thermale( 5 min de prise en charge par ma mutuelle contre 1 mois voire plus par la sécu) tellement la torture physique et morale me mettait en danger, moi et mes proches.
    Je compte tout de même envoyer un courrier qui sera lu apparemment à la conférence, c'est tout ce que je peux faire actuellement. J'ai une autre pathologie qu'est l'alcoolisme qui a déjà usé pas mal de mon capital vie.Je suis SOBRE depuis peu après un combat acharné de 16 années d'arrêts par intermittence. J'ai connu le suicide mentale, physique a plusieurs reprises.
    Je ne veux plus mourir, je ne veux pas laisser une fille orpheline comme ma mère. Je veux en finir avec une société dirigée par des banquiers et sbires du culte qui entretiennent la mal bouffe, pour ensuite nous vendre des medocs inutiles pour soit disant nous guérir de pathologies diverses trouver par des bureaucrates de psychiatres, servant aux 1 % qui dirigent le monde.Définitivement, Lasse des injustices en tout genre vécue dès ma naissance, j'aspire à une vie sereine, maintenant, de suite.

    merci à vous, a nous, combattants forcenés qui connaissons le véritable sens de la vie.....

    CHRYSTEL

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  4. Chrystel, merci de vos bons mots. Je crois qu'on peut en effet aspirer à une vie sereine mais malheureusement on ne l'atteint qu'après un complexe processus mental. Je vous souhaite de tout coeur d'en trouver les outils et stratégies pour en trouver le chemin. Meilleures pensées.

    Merci Bruno pour ce signe de bie qui m'encourage à laisser couler ces mots qui me vulnerabilisent. Je dois en effet supporter toute une gamme de souffrances quotidiennes qui me font cheminer en ce processus d'acceptation qui me permet d'envisager la vie en douleur chronique. Ce n'est pas simple mais je veux croire que c'est possible. En espérant vous recroiser en cet univers virtuel...

    Et merci à vous qui avez eu aussi pris la peine de mettre des voix en ce sujet difficile mais important à mettre en lumière...

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  5. Chrystel, merci de vos bons mots. Je crois qu'on peut en effet aspirer à une vie sereine mais malheureusement on ne l'atteint qu'après un complexe processus mental. Je vous souhaite de tout coeur d'en trouver les outils et stratégies pour en trouver le chemin. Meilleures pensées.

    Merci Bruno pour ce signe de bie qui m'encourage à laisser couler ces mots qui me vulnerabilisent. Je dois en effet supporter toute une gamme de souffrances quotidiennes qui me font cheminer en ce processus d'acceptation qui me permet d'envisager la vie en douleur chronique. Ce n'est pas simple mais je veux croire que c'est possible. En espérant vous recroiser en cet univers virtuel...

    Et merci à vous qui avez eu aussi pris la peine de mettre des voix en ce sujet difficile mais important à mettre en lumière...

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